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Tradition persane


L'étude de la tradition persane est une étape incontournable pour toute personne qui s'intéresse aux multiples traditions orientales ainsi qu'aux différentes musiques du monde musulman (du Cachemire jusqu'en Andalousie) !


Ce qui de nos jours, est appelé communément musique traditionnelle persane, semble être un pâle reflet d'un héritage trois fois millénaire.
L'histoire place le début de cette tradition autour du VIème siècle avant J.-C. sous la dynastie des Achéménides. Dès cette époque, la musique était intimement liée aux rituels religieux des Zoroastriens. Il perdure de nos jours, d'ancestraux fragments de chants de cette époque.

Avec l'avènement de l'Islam au VIIème siècle après J.-C., l'interdiction des arts, touchant la musique, la peinture et le zoroastrisme, a radicalement modifié l'évolution de la musique.
Dès cette période la tradition musicale véhiculait dans des milieux d'initiés et se transmettait de génération en génération par transmission orale. Au cours de ces sombres années, débute alors un processus de perte du répertoire originel, et parallèlement une évolution en fonction de l'apport de la culture islamique. Il convient de noter ici, l'influence non négligeable de la culture persane dans l'art islamique. De même, il est intéressant de remarquer que le système musical arabo-turc empreinte les même expressions que le système persan. Il s'agit dans la majeure partie des cas, d'anciennes expressions utilisées dans les cours royales d'avant l'Islam de la dynastie des sassanides.
Le XXème siècle voit l'Iran, comme beaucoup de pays de la région, se lancer dans une course effrénée de la modernité, sous le règne de Pahlavi (le Shah). Cela accentuera d'avantage l'acculturation musicale.
La révolution islamique de 1979, en interdisant toute source occidentale, a contribué malgré elle à un nouvel essor de la musique traditionnelle. Il est en effet très intéressant de remarquer à quel point, la génération actuelle se passionne pour cette musique ancestrale.

Enregistrement d'un concert live, shermin movaffaghi au tar, jamal aghai tombak et saeed naghibzadeh récitation de poésies:

les modes


Le système modal persan est composé de 12 modes différents. Ces modes appartiennent eux même à un ensemble plus large appelé Dastgah.
Le système des modes persan qui est l'origine de beaucoup d'autres traditions à la particularité de posséder des micros intervales que l'on nome par simplification des quarts de tons. La connaisssance de ses gammes peuvent s'avérer très utiles dans la prise en charge de patients qui sont issue d'une tradition orientale, étant donnée que ses derniers ont tisser leurs affectivités sur les mélodies qui en découlent.

Dastgahe SHOUR, est le système le plus utilisé dans la musique persane. Il répertorie toutes les musiques folkloriques iraniennes. Par sa structure équilibrée, c'est le mode le plus apprécié des iraniens. Il compte 5 formes différentes qui ont chacune leur propre spécificité: Abou-ata, Dashti, Korede Bayate, Bayate Tork et Afshari
L'échelle d'intervalle de ce système est la suivante :
( 3/4 ; 3/4 ; 1 ; 1 ; 1/2 ; 1 ; 1 )
Dastgahe Mahour, est un système très ancien, connu des Zoroastriens, et qui semble être à l'origine du mode majeur occidental. Il se caractérise par sa légèreté. De ce point de vue, Mahour est le mode de la joie .Ses intervalles sont :
( 1 ; 1 ; 1/2 ; 1 ; 1 ; 1 ; 1/2 )
Ce Dastgahe n'a pas de modulations secondaires.
Dastgahe Homayoun, est par excellence le mode de la méditation. Il combine spiritualité et nostalgie:
( 3/4 ; 5/4 ; 1/2 ; 1 ; 1/2 ; 1 ; 1 )
Sa seule modulation est esfahan qui s'apparente à un mode mineur où la sixte est diminuée d' 1/4 de ton.
Dastgahe SEGAH, est un mode apprécié dans l'ouest de l'Iran; il fait aussi partie de la musique d'Azerbijan (Turquie occidentale). Il a comme spécificité de posséder trois quarts de ton:
(3/4 ; 1 ; 3/4 ; 1 ; 3/4 ; 1 ; 3/4 )
Gousheye mochalef, est une modulation où il y a polarisation sur la sixte.
Dastgahe TCHARGAH: il s'agit du Dastgahe le plus stéréotypé en occident. Il a une sonorité typiquement "orientale". Selon les spécialistes le Tchargah est un des modes les plus anciens du système persan:
( 3/4 ; 5/4 ; 1/2 ; 1 ; 3/4 ; 5/4 ; 1/2 )
Dastgahe NAVA est le mode de l'enchantement. Il s'apparente à Shour, mais se différencie par la présence d'une quarte qui lui confère une étrange dimension.
( 1 ; 1/2 ; 1 ; 1 ; 3/4 ; 3/4 ; 1 )
Dastgahe RASTPANJGAH, est le Dastgahe le plus complet de tous car il permet à l'interprète de jouer tous les autres modes à l'exception de Tchargah. Sa structure ressemble à un mode majeur dont la sensible serait abaissée d'un quart de ton:
( 1 ; 1 ; 1/2 ; 1 ; 1 ; 1/2 ; 1 )


Tableau des correspondance des système modaux.

mode                Heure exécution                Couleur                élément                caractère
shour                Entre 10-12                Rouge feu                feu                méditation
mahour                Apres crépuscule                Bleu ciel                vent                joie
homayoun                Pendant crépuscule                Vert sombre                flamme                attraction
Nava                Heure du coucher                transparent                Combinaison vent et feu                conseil
segah                L'après-midi                Bleu foncé                eau                variable
chahargah                Tôt le matin                Blanc et jaune                vapeur                excitation
rastpanjgah                matiné                bronze                terre                concentration
esfahan                aube                Vert clair                lumière                Amour



Les rythmes

Le système rythmique persan n'est pas aussi complexe que le système indien par exemple. Sa complexité réside dans sa finesse d'exécution (les accentuations rythmiques). De manière générale, la majeure partie des pièces empruntent des rythmes de 2/4, 3/4 , 4/4, 5/4, 7/4, 8/4 et des 12 temps.
Les musiques folkloriques ont une préférence pour un rythme composé de 6/8. Les Tcharmezrab, pièces rapides, sont exécutées dans des rythmes de 4/16 ou de 6/16.
Il existe toutefois un système de rythmes échappant à une analyse mathématique. Il s'agit des phrasés du chant persan. Étant donné la complexité du système, nous ne jugeons pas utile de le développer ici.

Les procédés d'apprentissage du rythme dans les traditions orientales sont en général des méthodes très intéressantes et utile en musicothérapie :
Contrairement à l'approche occidentale qui met l'accent sur la dimension arithmétique du rythme, les orientaux privilégient la géométrie et les correspondances avec le langage.
A chaque rythme correspondra par exemple une phrase poétique qui aura la particularité de mettre en évidence les accents rythmiques.
De par sa richesse tonale et son utilisation ancestrale en temps que moyen thérapeutique, l'étude de cette tradition, comme toute autre tradition par ailleurs, amène un plus grand degré de liberté en musicothérapie, qu'il s'agisse de la capacité de rejoindre le patient dans son iso culturel ou de pouvoir élargir le registre expressif dans la communication.

texte: Shermin Movaffaghi

La musique et le soufisme



Le mysticisme musulman dont un développement est connu sous le nom du soufisme a crée au long de son histoire une multitude de traditions musicales très riche et variées, mêlant la dimension sacrée à une méthode pouvant amener à un bien être physique et mental que nous qualifions de thérapeutiques.


De part le nombre important de cultures que le soufisme a intégré, que l'on pense aux traditions centre africaines, aux civilisations moyenne-orientales et jusqu'au toit du monde au Tibet !
Cette richesse culturelle fait du soufisme dans son ensemble un magnifique réservoir de tradition et de savoir oral transmis de génération en génération.
Le soufisme tire son nom étymologiquement du grec qui signifie sagesse en ancien grec et habit de laine en arabe.  Ce courant mystique de l'Islam s'est formé après l'Islamisation de la Perse qui auparavant pratiquait une des plus vieilles religions monothéistes qui est le Zoroastrisme.
Le soufisme se démarque dès son origine aux dogmes rigides et aux interprétations politiques de la religion.
A travers les siècles beaucoup de différentes confréries vont naître dont les chefs de fil sont de Grand Poètes mystiques (Halladj, Rumi, Khayam…)
Dans ces confréries, on développe peu à peu, selon les pays et les rituels en vigueurs, une propre tradition musicale.
Par exemple, l'on peut situer le fameux ordre des Derviches Tourneurs fondés par le poète persan Mowlana ; ou l'extraordinaire traditions des Qwali du Pakistan dont un des illustres représentants était le Ostad Fateh Ali Khan.
Au cours des siècles, les différents maîtres spirituels se sont rendus compte de l'importance de la musique dans les cérémonies de méditations et de prières.
De nos jours subsistent encore beaucoup de différentes confréries dont chacune a son répertoire propre. De plus, ces traditions ne se transmettent qu'aux gens initiés et sont pratiquées dans des cercles très fermés.



Bien qu'elle soit souvent différente quant aux aspects esthétiques ou culturels, la musique et son utilisation, a toujours la même fonction :

1.                Dans un premier temps, de créer une ambiance qui va créer la motivation tout en étant relaxante.
2.                Par des incantations répétitives, la musique va mobiliser les facultés attentionnelles.
3.                Etant donné qu'il s'agit d'un processus groupal, la musique va renforcer les liens du groupe et permettre le sentiment d'unité.
4.                La transe, si elle a lieu, permettra de vivre une expérience cathartique et dé libérer les tensions.

Dans certaine traditions, par exemple, des Derviches du Baloutchistan, ces cérémonies ont aussi parfois une visée thérapeutique.
Dans d'autres traditions on peut assister à des comportements auto-mutilatoires sous hypnose.

C'est ainsi que l'on voit parfois, enivrés par des rythmes frénétiques certains soufis manger des clous, des lames de rasoirs et même de se percer avec des poignards.
Bien que ces comportements n'aient pas un intérêt dans la recherche du bien-être, mais ils montrent l'importance des effets hypnotiques induits par la musique.
En musicothérapies, les rituels soufis ne peuvent pas être utilisés car étant en dehors de leur contexte sociale et culturel.
Par ailleurs le but et la finalité d'une consultation musicothérapie n'est pas forcément la recherche du sacré ou de l'unicité.
Mais toute fois cette pratique peut nous apprendre une méthodologie quant à l'utilisation de la transe en situation de groupe et la recherche d'un état de bien-être.
Ayant pu assister à quelques séances de transe collective, j'ai été impressionné par l'utilisation du rythme et du tempo pour l'induction de cet état.

La relation maître-élève


Comme nous l'avons vu précédemment, la transmission de la musique ainsi que son apprentissage se font dans l'intimité d'une relation de maître à élève, et comme le disent les orientaux de poitrine à poitrine.
Il est évident que dans une telle proximité, des relations transférentielles peuvent voir le jour.
De la même manière, qu'un thérapeute formé parvient à travailler avec le transfert, le maître traditionnel utilise le transfert dans sa " cure musicale ".
L'élève débutant peut par exemple projeter au début l'image d'un père tout puissant et autoritaire qui au fil des années peut devenir rival qui finalement sera un ami véritable et respecté.
Le maître, de la même manière qu'un thérapeute représente l'univers stable ,permet de travailler dans l'ici et maintenant.

Le Hal: lien entre musicothérapie et traditions orales

Le terme Hal qui signifie en persan, le moment présent, l'ici et le maintenant et aussi l'état de santé.
Dans la musique persane, la qualité d'une musique ou d'un musicien ne se mesure pat tant par sa virtuosité mais plutôt par cette capacité d'être en phase avec le moment choisi.
Une interprétation qui a du Hal est une interprétation qui tient compte du ici et du maintenant des musiciens et du public.
Il s'agit d'une adéquation magique où le sonore entre en résonnance avec l'état de réceptivité des auditeurs.
N'est pas là, la véritable finalité de la musicothérapie relier la musique au présent, à la santé et à l'autre.

textes: Shermin Movaffaghi


Copyright 2008. Shermin Movaffaghi,psychologue-musicotherapeute FAPSE ASMTdernière mise à jour: mercredi, 5. avril 2017